lundi 17 janvier 2011

Embauche et discrimination

 



Il y a de la discrimination effective dans les choix de recruteurs : pas de femme, pas de black-beur, pas de sénior.

Mais il y a de la discrimination induite.

Le modèle de fonctionnement du recrutement français
On constate deux dimensions qui mènent le décideur recruteur :
1) recherche de l’opérationnalité immédiate
2) système décisionnel : garbage can

La recherche de l'opérationnalité immédiate est le fait pour un recruteur de vouloir que son recruté soit opérationnel dès le premier jour, sans formation. Cela relègue au dernier rang la potentialité du candidat. Les formations qui apportent une solide formation dite théorique sont inopérantes au regard des modes du marché de travail.
Pire encore, les cabinets de recrutement doivent un nouveau recrutement gratuit à leur client en cas d'échec d'intégration du candidat retenu ; pour éviter l'échec, la solution est simple, ne sélectionner que des candidats ayant pratiqué le même poste dans une entreprise très semblable.

Le modèle de décision garbage can consiste à prendre la première décision satisfaisante et non la meilleure décision. Concrètement, elle consiste à retenir la première(s) candidature qui convienne et non pas comparer toutes les candidatures entre elles et analyser les alternatives de profils.

Le clonage comme résultat
Le résultat est le clonage, c'est-à-dire le fait de privilégier les solutions qui ont fait leur preuve dans le passé.

Si l'on a toujours embauché des titulaires d'un diplôme d'école de commerce –qui sont sociologiquement gaulois- et que ça a toujours fait l'affaire, alors le bronzé diplômé de la fac est peu aller se rhabiller, c'est perdu d'avance pour lui.

De plus, arriver au bon moment, à la bonne heure est une option sur le succès. Bien sûr, les grandes entreprises ont leur long protocole (qui tend à se raccourcir, ça coûte cher et ce n'est pas plus efficace quand c'est long). Mais pour une plus petite, le recruteur demandant à son voisin (jugé comme légitime) s'il n'aurait pas un candidat pour le poste, peut s'arrêter au premier candidat s'il convient.


Que dire du clonage comme pratique de recrutement
Le clonage c'est opérationnalité, la négation de la potentialité et de l’évolution, la discrimination, la négation du transfert de compétence. C'est un appauvrissement à long terme des entreprises françaises.

Quelle leçon pour le demandeur d'emploi
Pour être efficace, le demandeur d'emploi doit cibler les postes qui lui sont connus ; loin de chercher à montrer sa différence, il faut un CV et un entretien qui rassure le recruteur en disant que ce poste nous est connu.
Si l'on cherche du travail pour évoluer, ce qui est logique mais en partie interdit dans notre pays, alors il y a lieu de blinder ses atouts. Le "je suis capable" ne vaut rien ; seul compte le "j'ai déjà fait" même si c'est j'ai déjà mal fait.

Comment élargir le champ des possibles du recruteur français
Pour répondre à la question de comment faire autre chose que du clonage, il nous faut expliciter la motivation de ce mode de fonctionnement.
La France est le seul pays au monde à développer ce comportement pervers.La cause vient du fait que les recruteurs ont le sentiment qu'une fois engagé, le recrutement les lie pour la vie et que le licenciement est impossible. Alors de peur de se tromper, le mot d'ordre est "reprendre une solution qui fonctionne et surtout ne rien essayer d'autre".
Pour sortir de l'ère du clonage, je ne vois que deux possibilités :
- entrer dans une période de pénurie de main-d'oeuvre qui contraindra les recruteurs à prendre ce qu'il y a
- fluidifier le marché du travail en facilitant les départs à l'initiative du salarié et de l'employeur. (En ce sens, je me demande si la rupture de contrat à l'amiable ne va pas provoquer une révolution des mentalités).

Christophe JT

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